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« Omicron va repartir aussi vite qu’il est arrivé ». Voici ce qu’on entend depuis que ce variant qui se singularise par sa très grande contagion et sa bien plus faible virulence (par rapport à Delta, Alpha et la souche de base) a fait son apparition chez nous, sur la foi de ce qui a été constaté en Afrique du Sud, au Royaume Uni, et généralement dans les pays où la vague relative à ce variant a eu lieu.

Et c’est vrai ! On a constaté cette évolution tout à fait particulière, se caractérisant par une montée très rapide, et un reflux très rapide aussi. Pourquoi cela ? Pourquoi ne pas avoir par exemple un plateau de contaminations, ou une baisse plus lente ? Nous allons essayer d’y répondre en explorant la particularité de cette souche et en modélisant avec précaution l’évolution épidémique qui y correspond.

Omicron, comme nous l’avons dit, se démarque des autres souches rencontrées par sa très haute contagiosité, sa rapidité d’incubation, et sa bien moindre virulence. Il est estimé qu’Omicron génère entre 50% et 70% d’hospitalisations en moins par rapport à Delta, comme l’a révélé une étude britannique à la fin décembre 2021 :

https://www.bmj.com/content/375/bmj.n3151.full

Plus important, l’impact à la baisse sur les réanimations est encore plus flagrant. En effet, même si les données n’ont pas encore été entièrement compilées, il a été observé tant en France qu’au Royaume Uni ou en Afrique du Sud que la part des patients hospitalisés en soins critiques parmi les personnes hospitalisées pour COVID a été divisé par trois avec Omicron :

https://www.lesechos.fr/economie-france/social/covid-comment-le-variant-omicron-progresse-dans-les-services-de-reanimation-parisiens-1378225

Quel est l’impact numérique ? Auparavant, avec la souche originelle, avec Alpha ou avec Delta, sur 100 000 personnes infectées, environ 2 500 partaient en hospitalisation, et 390 en réanimation.

Avec 70% de réduction sur les hospitalisés, le chiffre des personnes en hospitalisation passe de 2 500  à 2 500 x (1 – 70%) = 750. Et là où la part des hospitalisés qui allaient en réanimation était de 390 / 2 500 = 15,6%, elle n’est plus que de 15,6% / 3 = 5,2%, donc les personnes en réanimation ne sont plus que 750 x 5,6% = 39.

Avec 50% de réduction sur les hospitalisés, le chiffre des personnes en hospitalisation passe de 2 500  à 2 500 x (1 – 50%) = 1 250. Les personnes en réanimation ne sont plus que 1 250 x 5,6% = 65.

On est donc passé d’un ratio de 390 réanimations / 100 000 infectés à un ratio compris entre 39 réanimations / 100 000 infectés et 65 réanimations / 100 000 infectés.

Le ratio a donc été divisé d’un facteur compris entre 390 / 65 = 6 à 390 / 39 = 10.

Une réduction de 6 à 10, cela veut dire que l’on peut « se permettre » d’avoir entre 6 et 10 fois plus de contaminés avec Omicron qu’avec Delta « pour avoir le même nombre de personnes qui rentrent en réanimation ».

Concernant les durées de séjour hospitalière,  les durées de séjour en hospitalisation conventionnelle et en soins critiques sont également réduites. L'institut Pasteur a estimé que le temps passé était divisé par 1,5 :

https://modelisation-covid19.pasteur.fr/realtime-analysis/hospital/

https://www.capital.fr/economie-politique/covid-19-quelle-est-la-probabilite-detre-admis-en-soins-critiques-avec-omicron-1428800

Or, le nombre de gens en réanimation n'est en gros que le produit du nombre de gens qui y rentrent par la durée de séjour. Si on a 6 à 10 fois moins d'entrées, et que les patients restent 1,5 fois moins longtemps, alors au final pour un même nombre de contaminations, on aura entre 1,5 x 6 = 9 et 1,5 x 10 = 15 fois moins de présence hospitalière à terme.

9 à 15 fois moins de présence hospitalière, cela veut donc dire au final que l'on peut « se permettre » d’avoir entre 9 et 15 fois plus de contaminés avec Omicron qu’avec Delta « pour avoir le même nombre de personnes présents en réanimation ».

Donc, en gros, nous sommes face à un variant « qu’on peut laisser filer » car il ne sature pas (au prix de quelques déprogrammations tout de même…) les services qui ont été depuis le début le facteur limitant : les services de réanimation.

Et c’est peu ou prou ce que le gouvernement a décidé de faire depuis trois mois : mettre en place quelques mesures complémentaires telles que le nouveau protocole à l’école ou le retour du masque dans les lieux clos, mais pas de confinement ni de fermetures, à l’exception des discothèques. A peu de choses près, on a donc pu voir évoluer un variant « en toute liberté », et suivre son évolution sans aucune correction intermédiaire.

Or, que se passe-t-il lorsqu’un variant évolue sans qu’on corrige son évolution en cours de route ? Voyons ça sur un modèle simplifié : on part d’une population de 67 000 000 d’habitants, et on lâche au milieu un contaminé. Le taux de reproduction initial est de Reff = 1,8 (tenant compte à la fois du R0 mais aussi des diverses mesures de restrictions telles que le port du masque mais aussi de la couverture vaccinale). N’oublions pas que le taux de reproduction vaut N x B, où N est le nombre moyen de personnes croisées par un contaminé durant sa période de contagion, et B la probabilité moyenne qu’il contamine une personne croisée.

Chaque contaminé contamine en moyenne 7 jours après avoir contaminé. Pour lisser, on va partir du principe que chaque personne contaminée va contaminer Reff1/7 personnes le lendemain de sa contamination. D’un point de vue mathématique, on retrouvera le ratio Reff entre le nombre de personnes contaminées d’une semaine sur l’autre.

A chaque fois qu’une personne est contaminée, elle est « désactivée » des personnes susceptibles d’être contaminée, au début parce qu’elle… est déjà contaminée, et par la suite parce qu’elle bénéficie d’une immunité acquise (pour l’instant nous considérons cette hypothèse…). On va donc compiler depuis le début le nombre de personnes contaminées, ce qui va faire qu’il y aura non plus 67 000 000 de personnes « à contaminer », mais 67 000 000 – X, où X est le nombre de total de personnes ayant été contaminé à date. Comme ces personnes sont « désactivées », cela veut dire que le Reff est diminué. Au lieu de croiser N personnes, on va croiser un nombre moyen de personnes N diminué d’un ratio (67 000 000 – X) / 67 000 000, puisque qu’il y a de plus en plus de personnes qui ne sont pas contaminables, et qui ont le même effet que si « elles n’étaient pas là ». Par conséquent le Reff, valant N x B, va lui même diminuer d'un ratio (67 000 000 – X) / 67 000 000.

Le Reff va donc décroître, et va décroître de plus en plus vite car le nombre X va croitre de manière quasi exponentielle, l’épidémie étant « lâchée ». Mais dans le même temps, tant que le Reff est au-dessus de 1, le nombre de contaminés quotidien augmente, vu que chaque contaminé contamine plus d’une personne. Le point de basculement correspondant au moment où Reff passe sous 1 est donc aussi le moment où il y le plus de contaminations par jour.

Par la suite, même si le nombre de contaminations diminue d’un jour sur l’autre, on part d’un point de basculement avec beaucoup de contaminés, et donc beaucoup de gens « désactivés » chaque jour, et donc un Reff qui diminue très vite, et au bout de quelques jours un Reff suffisamment inférieur à 1 pour entraîner une baisse importante du nombre de contaminations.

Graphiquement, cela se présente ainsi :

Pourquoi Omicron redescend vite ?

On constate également que le nombre de contaminations baissant, il y a de moins en moins de personnes « désactivées » chaque jour, ce qui ne permet pas dans le cas présent d’atteindre 100% de personnes immunisées, et donc de ne pas atteindre un Reff égal à zéro. Il se stabilise ici autour de 0,33 dans cet exemple là. Bien entendu, tout cela en considérant que les autres variables influant le Reff ne sont pas modifiées (restrictions, port du masque, couverture vaccinale, persistance de l’efficacité de l’immunité…).

Le Reff n’atterrit pas systématiquement vers une valeur limite non nulle. Si on simule théoriquement avec un Reff initial de 2,5 par exemple, on obtient cette évolution graphique :

Pourquoi Omicron redescend vite ?

On constate donc que l’épidémie, dans le cas de figure où on « relâche les choses », ne s’arrête pas dès que Reff passe sous 1 (ce qui correspondrait à l’immunité collective), tout simplement parce que lorsque l’on obtient un Reff < 1, on est déjà à un nombre de contaminations quotidien bien trop élevé, l’épidémie « va trop vite », et on peut atteindre dans certains cas 100% de la population infectée.

Mais dans tous les cas, les choses « se finissent bien », vu que l’épidémie s’éteint.

 

Oui mais… soyons précautionneux ! Car voilà, nous avons considéré dans ce petit modèle que ceux qui avaient été infectés étaient immunisés, et ce définitivement. Or, nous avons constaté par le passé dans cette épidémie que l’immunité acquise ne durait pas éternellement, et que les réinfections étaient possibles. Que se passerait il si par exemple ceux qui avaient été infectés n’avaient une immunité que pour 3 mois (soit la durée considérée pour faire sa dose vaccinale de rappel) ? Regardons avec notre exemple précédent en partant d’un Reff initial de 1,8. Voici ce que ça donne :

Pourquoi Omicron redescend vite ?

Patatras ! Et oui, c’est terrible, mais dans pareil cas, l’immunité collective finit par se dissiper, le Reff finit par remonter au-dessus de 1, et l’épidémie repart… pour reprendre le mécanisme d’immunité progressive acquise au fur et à mesure que des personnes seraient contaminées, ce qui occasionne une nouvelle baisse du Reff. L’épidémie repart et revient en « oscillant ».

Est-ce que cela veut dire que nous sommes condamnés à vivre des vagues inexorables nous obligeant à des restrictions sans cesse pour cause de surcharge hospitalière ? Ne soyons pas alarmistes non plus. Si le taux d’anticorps baisse après quelques semaines, cela ne veut pas dire que notre système immunitaire ne conserve pas la mémoire du virus. Cela veut juste dire qu’il l’a gardé « dans un coin » (moelle osseuse, ganglions…), et qu’il doit prendre le temps de le réactiver. On resterait donc assez bien protégé des formes graves, et cela n’occasionnerait a priori pas de vague hospitalière conséquente. Mais difficile néanmoins de quantifier. Il s’agira donc de rester sur nos gardes et de ne pas crier victoire trop tôt…

 

PS : Eternel rappel de ma part : ce modèle ne vise pas à refléter la réalité, mais à illustrer des principes de dynamique épidémiologiques permettant d'appréhender certains notions. Il vise encore moins à prédire le futur. L'idée est d'avoir en tête les scénarios épidémiologiques pouvant survenir.

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